Les grands mouvements du design digital

Arnold Lepineux
5 min readAug 25, 2020
Skeuomorphisme, Flat design et Material design

En 2007, le petit dernier de la famille Apple était présenté au monde de la technologie. Des mains de Steve Jobs, son architecte aussi génial que controversé, nous découvrions l’iPhone. Le lien entre la personne et la machine ne se faisait plus en passant par la souris mais directement du doigt à l’écran.

Cette interface innovante et ses nouveaux usages se devaient d’être suivis d’une éducation des nouveaux utilisateurs. Chaque publicité et chaque vidéo sur l’iPhone mettait l’accent sur sa simplicité. Elles glissaient à ses auditeurs tous les indices pour qu’ils comprennent aisément son utilisation. Mais ça n’était pas suffisant pour Steve Jobs. Lors de sa conception, les équipes de design ont amorcé un mouvement qui fera date dans le monde du design d’interface, le Skeuomorphisme.

Le Skeuomorphisme

La formule est simple, utiliser une référence à un objet physique, pour illustrer une application ou représenter une interaction. Ainsi on glisse son doigt sur l’écran comme on pousserait comme une feuille de papier, on ouvre une application en appuyant comme sur un bouton, et on stimule l’imaginaire collectif avec le clap pour illustrer l’application de vidéos. L’ingrédient magique permit de toucher les cibles technophiles mais aussi les générations encore étrangères au numérique. En prenant des images bien ancrées dans les esprits et en les associant à leur équivalent numérique, Apple facilite le passage vers le digital. Seulement, la multiplication des métaphores et un trop plein d’effets finissent par entraîner la création d’un mouvement bien différent. Celui de la démocratisation du design : le Flat design.

Le Flat design

Finis les design chargés et écrasants d’effets ! Alliant la simplicité de dessin et de lecture, le flat design est la réponse parfaite aux design chargés du skeuomorphisme. Les tracés créés y sont plats, lisibles et sans nuance, mais quelle légèreté ! Son poids plume et sa simplicité l’emmènent partout, sur les sites, les affiches, les pictogrammes, les illustrations. La 2D assumée et sa facilité de création répondent à toutes les attentes. Le Flat design est accessible, simple à créer et simple à lire, un peu trop peut-être. Les dégradés y sont proscrits, les formes simplifiées. Le flat design manque souvent de nuances et parfois de sens. A vouloir oublier ses origines on se trouve sans but, si bien qu’on en perd nos repères.

Le Material design

Perte de repère et donc de sens. En 2014, Google nous présente le Material Design. L’un de ses créateurs, Mathias Duterte, le décrit “ contrairement au vrai papier, notre matériau numérique peut s’étirer et se modifier de manière intelligente. Le matériau contextuel a une surface physique et des bords. Les superpositions et les ombres donnent des informations sur ce que vous pouvez toucher “. Le material design allie le réel au digital. Prenons une métaphore : Imaginez que votre smartphone est un boitier, et qu’on y utilise différentes profondeurs pour différencier les éléments. Imaginez maintenant que dans notre boîtier on y insère du papier digital. On lui donne des attributs comme l’élasticité, la capacité à changer de forme, à se plier et pour terminer une touche d’intelligence lui donnant vie.

L’importance du Material Design vient de son utilisation de la sémantique, comme l’a fait Apple avec le skeuomorphisme. Chaque élément, sa forme, sa couleur ou son ombre permet d’identifier sa fonction, son importance et son utilisation. Ajouter du sens au design permet de communiquer facilement plus d’informations. A l’image d’un dialogue par téléphone où seule la voix parle, et un dialogue en face à face où le langage corporel, le mouvement des mains et les expressions du visage viennent aider la communication.

L’élevation dans le Material design

Nous sommes aujourd’hui au coeur du mouvement du Material Design. Il a connu rapidement son heure de gloire dans la création de logo. Ce n’était pas qu’une mode, aujourd’hui il influence grandement le design de sites internets et d’applications. Le travail fait par Google pour relier nos écrans à la réalité en fait un des mouvements fondamentaux du design d’interface et rejoint ainsi le skeuomorphisme. Aujourd’hui, la lutte entre skeuomorphisme et flat design a trouvé son équilibre avec la profondeur du material design.

Nous avons besoin de sens dans nos créations. Le design interactif n’échappe pas à la règle. Il fait le lien entre l’humain et la machine, et ne peut se contenter d’être contemplatif voire narcissique. Le but est bien de créer un dialogue et celui-ci doit se faire avec un langage commun. Notre langage oral est le produit de millions d’années d’évolution. Celui du design interactif doit s’inspirer de notre relation à la réalité pour mieux faire communiquer les machines avec les humains. D’Apple à Google, chaque colosse technologique cherche sa voie dans cette direction, comme les peintres ont longtemps cherché à refléter la réalité avant de dépasser cette quête, attirés par une autre plus grande et plus abstraite.

Arnold Lépineux

Publié à l’origine sur Linkedin le 18/12/19

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